Reutlingen 81-04 Service militaire en Allemagne

Reutlingen 04/81, je suis plutôt « antimilitariste » car contre la violence et l’utilisation d’armes.

Les 3 jours avant le service militaire

CS10 Caserne Maurice de Saxe à Blois
CS10 Caserne Maurice de Saxe à Blois

Réduits à deux demie journées et une nuit, c’est au CS (centre de sélection) 10 Caserne Maurice-de-Saxe à Blois, dans le Loir-et-Cher, que j’ai été effectuer ce que l’on appelait encore « les 3 jours ». Avec mes problèmes de dos j’espérais vraiment être réformé, mais j’ai été déclaré « Apte » le 26 novembre 1980. Pourtant même mon médecin généraliste m’avait dit que je serais déclaré « inapte ». Décidément le 26 novembre !
Quand on m’a demandé où je voulais être incorporé, j’ai répondu « le plus près possible de chez moi et pas dans les parachutistes car mon père était para (béret rouge) pendant la guerre d’Algérie ». C’est ainsi que de la région parisienne je me suis retrouvé, mécanicien en Allemagne.

Les classes à Tübingen

Le Service National commencent par les « classes » effectuées à Tübingen. J’y suis arrivé et incorporé le 6 avril 1981, batterie d’instruction (B11) 2e section accueillie au sein du 24e GC. Je n’ai jusque là pas beaucoup voyagé hors de France et jamais en Allemagne. Tübingen est une jolie ville pour ce que j’en ai vu, le centre ville avec ses belles rues piétonnes. C’est propre il n’y a pas un papier par terre et pas un graphiti sur les murs. Ca change de la région parisienne.
Pendant la première semaine je suis convoqué dans le bureau du capitaine Philipot. Non, non, ce n’est pas de la famille, moi c’est Philippeau cela se prononce pareil, mais c’est tout ce que nous avons en commun. Je me demande bien ce qu’il me veut. Il me reçoit et me dit que aux vues de mes résultats aux tests d’intelligence des 3 jours, il me propose d’intégrer le PEG* (peloton d’élèves gradés). Je ne lui dit pas que je suis plutôt antimilitariste, mais décline son offre en lui disant que cela ne m’intéresse pas.

Les classes c’est surtout marche ou crève.

Marcher en rangs au pas et en chantant, les pieds dans les rangers (j’en parle plus loin). C’est aussi de longues marches, sac à dos rempli, casque lourd sur la tête et arme dans les mains. Mes cervicales sont détruites et mon dos pareil. J’ai souvent eu envie de balancer tout leur attirail par terre, mais j’ai réussi à aller au bout de chaque marche et des semaines de classes. Pendant ce temps je n’ai tiré que 2 fois avec les vieux FSA** . J’ai joué 2 jours à la guerre avec une nuit en tente, mais cela a été franchement moins amusant que lorsque j’y jouais étant petit avec mes copains.

PEG c’est toujours non

Vers la fin des classes ou en arrivant à Reutligen, le capitaine Philipot m’avait reconvoqué pour savoir si j’avais changé d’avis pour le PEG. Après un mois de marche ou crève j’aimais encore moins l’armée,  alors pourquoi aurais-je changé d’avis ? Ce cher capitaine n’a sans doute pas apprécié mon refus et vous découvrirez plus loin comment (je pense) il me l’a fait payer.

* PEG : pour peloton des élèves gradés. Stage d’une semaine, en général dispensé au niveau de la compagnie, permettant d’accéder au grade de caporal.
** FSA : appelé communément ainsi pour « fusil semi-automatique », en réalité c’est le MAS 49/56, arme individuelle qui a précédé le FAMAS.

Reutlingen

Reutlingen la Caserne en 1977
Reutlingen la Caserne en 1977

Le 73e RA et ensuite le 24e RA font partie de la 5e division blindée sous le commandement du Général Cuq de 1980 à 1982.

Les Dragons de Noailles

Je me suis toujours souvenu de la première phrase que nous chantions en défilant.

« Ils ont traversé le Rhin
Avec monsieur de Turenne. »

Histoire et paroles de cette marche.

Exempté de rangers et de défilé

Hôpital Militaire Alain Limouzin
Hôpital Militaire Alain Limouzin

Je n’ai pourtant pas défilé beaucoup et pour causes en tant que mécaniciens, nous étions souvent exemptés car trop de travail. En plus de cela mes pieds ne supportaient pas les rangers et après les classes, j’avais des plaies jusqu’au sang entre chaque doigts de pieds. Selon le médecin et infirmiers, j’avais attrapé une mycose. Je passais quelques jours à l’infirmerie et étais exempté de rangers. Je passais donc mon temps en baskets avec une poudre à mettre à l’intérieur. Chaque fois que je remettais les rangers, cela revenait. Je retournais à l’infirmerie et étais exempté à nouveau jusque la prochaine fois.
Plusieurs fois ils m’ont envoyé seul au Centre hospitalier des armées « Alain Limouzin » à Fribourg-en-Brisgau.

Trajet en train Reutlingen / Fribourg
Trajet en train Reutlingen / Fribourg

J’y allais par le train et si aujourd’hui le trajet semble duré 3 heures, il était bien plus long à l’époque. Les trains en Allemagne étaient vraiment très lents. Je dormais dans une caserne à Fribourg, mais je ne me souviens pas laquelle. Le lendemain j’allais à ma consultation pour mes pieds, mais ils ne m’ont jamais rien donné d’autre que la poudre que j’utilisais déjà. Tout ce voyage pour rien, sauf me faire sortir un peu de la caserne, seul et tranquille, c’était déjà ça. Au bout de dix mois de service le médecin que j’ai vu me dit « c’est bizarre, avec ce que je vois dans votre dossier, vous auriez dû être exempté ». Super c’est à deux mois de la quille que l’on me dit ça. Je n’ai pas cherché à en savoir plus et ai repris le train pour Reutlingen.

Souvenir d’une nuit de garde

J’ai été de garde (toujours de nuit pour les mécaniciens) pendant la période où à ce que j’ai entendu dire, un soldat américain était décédé jeté du haut d’un pont dans la ville. A ce moment on parlait de la Bande à Baader, mais je n’en ai jamais appris plus et je ne sais pas si cela avait réellement un rapport. Toujours est-il que pendant cette période toutes les gardes se faisaient avec des balles réelles. Une nuit l’officier de garde s’est fait tirer dessus sans sommations. Il est possible que c’était pendant la nuit de garde que j’ai faite à ce moment, je crois, mais je ne l’affirmerais pas, 42 ans après la mémoire nous joue des tours. L’ambiance d’une garde de nuit est déjà spéciale, mais avec des balles réelles dans ces conditions c’est bien flippant. Comme Balavoine, « je ne suis pas un héros ».

73e régiment d’artillerie

Je suis arrivé aux alentours du 15 mai 1981, après un peu plus d’un mois de classes. Intégré à la Batterie de commandement et services (BCS), chambre 118, en tant que mécanicien (Berliet). Il allait vite y avoir un léger problème. Pour pouvoir entrer en apprentissage mécanique auto j’avais dû comme tout le monde passer la visite médicale. J’ai été déclaré « apte », mais je ne devais porter aucune charge lourde à cause de problèmes au dos. Techniquement il n’y avait pas de soucie, mais physiquement c’était autre chose. Sur Jeep et Unimog ça allait, mais sur Berliet, les roues et surtout les tambours de freins sont bien plus lourds. Mon dos était toujours à la limite de bloquer lors du démontage et remontage. En plus c’était douloureux et pour moi il était hors de question que je me casse le dos pour l’armée ou n’importe quel autre employeur.

Un surnom tout trouvé

J’ai donc fait jouer mon certificat médical de la médecine du travail, auprès de l’adjudant responsable de mon atelier. Il m’autorisa alors à appeler un collègue, chaque fois que j’étais prêt à déposer ou reposer un tambour.
Avec ces problèmes de dos et ceux à mes pieds, il n’a pas fallu long feu pour que les gars me trouve comme surnom « Polio« . Pour rire j’ai dit :

« D’accord, mais alors ce sera Jimmy Paul Yio et j’en ferais mon nom de scène ».

Jimmy pour Jimmy Page dont j’étais et suis toujours fan. C’est resté et l’on m’appelait à tour de rôle soit par mon prénom soit par ce surnom.

Manœuvres à Suippes

En août j’ai participé aux manœuvres au camp militaire de Suippes qui est établi au nord de cette commune dans le département de la Marne (51). Le dimanche 23 était une journée « portes ouvertes » et j’ai eu la visite de mes parents et mon frère. On a pu sortir c’était cool.

Six mois après le début de mon service, le 1er octobre 1981, le 73e RA est dissous et se transforme en 24e Régiment d’Artillerie.

Liens 73e RA

24e régiment d’artillerie

Pour mes six derniers mois de service je ferais donc partie du 24e RA. Le Régiment reçoit son étendard le 3 Octobre 1981 dans le Quartier SCHLESSER. Pour ceux que cela intéresse, vous pouvez voir et enregistrer le « PROGRAMME DE LA CÉRÉMONIE MILITAIRE DU 3 OCTOBRE 1981 ». Pour cela cliquez sur l’image ci-dessous et le document .pdf que j’ai réalisé s’ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

Le 5 mars 1982 nous sommes partis en manœuvres au camp de Canjuers. J’y ai été libéré le 26 mars 1982 après 354 jours de service militaire.

Liens 24e RA

Brochure Remise de l'étendard au 24 RA
Brochure Remise de l’étendard au 24 RA (document .pdf, ouvre une nouvelle fenêtre).

 
Médaille commémorative
Médaille commémorative en bronze

 

 

plus : ANGIBAUD Philippe | ARBEZ Jean | MARION Hervé | PELAGE Didier 81/02 | ROUSSEY Patrik 81/02 | VASSEUR Laurent 81/06.

Permis de conduire

Quand je vous disais que le capitaine PHILIPOT me ferait payer mon refus de faire le PEG. Je n’en ai aucune preuve bien entendu, mais de tous mes collègues mécaniciens de la 81/04, je suis le seul à n’avoir passé aucun permis. De plus je suis également le seul à être resté 2e classe pendant tout mon service. Vous croyez vraiment au hasard ?

Bilan de mon Service Militaire

Je conçois que l’on puisse aimer l’armée au point même de s’engager. Pour moi un monde sans armée serait l’idéal, mais il faut bien reconnaitre que nous en sommes encore loin. C’est déjà bien que cela ne soit plus obligatoire en France. Si j’avais eu le choix à l’époque, je ne l’aurais pas fait et 42 ans après, mon choix serait encore plus catégorique. Pour ma vie professionnelle le Service National a eu des répercussions catastrophiques.

Un métier appris pour rien

A la fin de mon apprentissage, CAP en poche j’ai cherché du travail. Il y avait plein d’offres d’emplois, mais on m’a dit non partout où je me présentait. Le motif je vous le donne en mille.

« Nous sommes désolés, mais nous avons besoin de quelqu’un sur qui compter dans le temps. Le problème est que vous allez partir faire votre Service National dans 8 mois. Nous serions alors obligés de rechercher à nouveau quelqu’un. Ce n’est pas possible pour nous. »

Quand mon Service a été terminé, il y avait toujours pas mal d’offres d’emplois à pourvoir. Hélas partout où je postulais, j’avais le même type de réponse.

« Il y a trop longtemps que vous êtes sorti de l’école. »

J’avais beau leur dire que sur les 20 mois depuis ma sortie de l’école, j’en avais travaillé 11 dans la mécanique à l’armée, rien n’y a fait. J’ai fini par me décourager et me suis retrouvé avec un diplôme qui ne m’a jamais servi à rien.

Conclusion

J’étais contre le Service National obligatoire avant de le faire et je le serais toujours après l’avoir fait.
L’armée ne m’a rien appris et ne m’a rien apporté.
On ne s’y fait des copains que par la force des choses. Bien entendu il y a des rencontres sympathiques. Avec certains on pourrait même être copains dans le civil, mais soyons francs combien d’appelés ont gardé des contacts ensuite ?
Je n’éprouve aucune fierté de l’avoir fait. Je n’ai jamais vu cela comme un devoir, mais juste comme une réelle corvée et une privation de liberté.

La seule nostalgie que je pourrais avoir de cette époque, serait de ne plus avoir la forme de mes 20 ans 😉 

Vidéo Reutlingen – La caserne en 2007

Vidéo Reutlingen en 1984

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